Quand nous proclamons le Credo nous disons : « Jésus est monté aux cieux, il siège à la droite de Dieu ». L’Ascension n’est donc pas l’absence de Jésus mais, bien au contraire, le signe qu’Il est vivant au milieu de nous de manière nouvelle ; il n’est plus dans un lieu précis du monde ; à présent, il est « monté aux cieux, il siège à la droite de Dieu », c’est-à-dire qu’il est présent en tout lieu et en tout temps, proche de chacun de nous : il nous rejoint chaque fois que nous sommes réunis en son nom et c’est le cas ce matin.
Plus qu’une montée, l’Ascension est un vrai « pont » qui nous permet de passer d’une rive à l’autre et ce « pont », ce « Pontife » c’est Jésus-Christ. Par son Incarnation et sa Résurrection-Ascension Jésus est ce pont qui permet à notre humanité d’accueillir Dieu et d’aller vers lui. En fait, c’est un seul et même mouvement d’amour qui est dit dans l’Incarnation, la mort, la résurrection et l’Ascension de Notre Seigneur. Notre propre humanité, notre propre chair sont déjà en Dieu puisque Jésus est « remonté » dans la gloire de son Père avec les marques de sa Passion inscrites dans sa propre chair de ressuscité. En lui, c’est toute notre humanité qui est attirée vers le haut, vers Dieu, vers le Royaume promis et c’est toute la grâce de Dieu qui descend vers nous par le don de l’Esprit-Saint.
Ce jour de l’Ascension, est pour les Apôtres tout à la fois la fin d’un rêve et le début d’une espérance. La fin d’un rêve, parce que les disciples et les foules qui ont suivi Jésus au long de sa vie publique espéraient un Messie qui rétablirait le Royaume d’Israël avec force. Mais l’arrestation et la crucifixion de Jésus ont ruiné cet espoir. De ce point de vue, l’Ascension est bien la fin d’un rêve. Mais en même temps, l’Ascension est le début d’une réelle espérance parce que désormais, en Jésus, s’accomplit la vocation du peuple élu d’être le signe de l’alliance pour annoncer à toutes les nations, et donc aussi aux païens, la bonne nouvelle du Salut. L’Amour, premier et dernier mot de Dieu à nos vies, trouve en Jésus son plein accomplissement, un accomplissement qui passe par la croix, la résurrection et l’Ascension.
Quand Jésus nous quitte c’est donc bien la fin d’un rêve et le début d’une espérance. C’est pourquoi nous n’avons pas à rester le regard tourné vers le ciel. Bien sûr qu’en tant que chrétiens, nous sommes « citoyens du ciel » mais en même temps c’est bien sur cette terre que nous marchons vers notre patrie définitive. Le jour de l’Ascension est le jour par excellence où nous accueillons la mission que nous confie le Christ : « Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples… ». Je suis allé voir dans le texte grec quel était le verbe traduit ici par « faire » « faites des disciples ». C’est le verbe « poreuô » qui signifie conduire, escorter. Nous sommes donc chargés par le Seigneur de conduire et escorter les gens afin d’en faire des disciples qui se mettent à son école. Nous sommes chargés de faire se lever des disciples de cette Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour tout homme. Autant dire que notre responsabilité est immense quand on voit les difficultés de nos contemporains à accueillir les valeurs de l’Évangile de Dieu.
Heureusement, pour aller vers les nations, pour aller vers les autres, nous ne sommes pas seuls. La disparition physique de Jésus ressuscité, n’est pas un abandon. Bien au contraire puisque jésus nous dit en St Jean : « c’est votre intérêt que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas je ne vous enverrai pas mon Esprit » (Jn 16, 7). Il est donc urgent que nous le recevions et le revêtions cet Esprit-Saint, cette « puissance venue d’en-Haut » afin d’en vivre comme lui, Jésus, en a vécu.
C’est dans ce même Esprit-Saint que l’Église est le corps du Seigneur. Dans sa faiblesse, sa fragilité et aussi dans une conversion toujours à recommencer , l’Église annonce, en en vivant, ce qu’elle a vu, entendu, touché du Verbe de Vie et elle pose les signes sacramentels de la présence de Jésus ressuscité jusque dans les bas-fonds de notre existence humaine. Certes, le Christ ressuscité n’est plus visible à notre regard, mais le monde doit pouvoir contempler son visage à travers nous dans la mesure où nous accueillons l’Esprit que Jésus nous donne, ce même Esprit qui l’unissait filialement à son Père.
Enfin, gardons précieusement en notre cœur la prière de Jésus : « Père, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi pour qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux ».
Tout joyeux à l’audition de ces mots qui ne sont pas une vague promesse mais une volonté expresse de Jésus, ne restons donc pas le nez en l’air à contempler le ciel. Ou plutôt, ce ciel, contemplons-le sur la terre à la façon de François d’Assise. François a demandé à ses frères de faire du monde leur cloître. Il leur a demandé de contempler en toute Création et créatures la puissance de la résurrection déjà à l’œuvre et encore à venir. Tout remplis d’Esprit-Saint et tout joyeux, marchons donc, avec toute la Création et les créatures, à la rencontre de Celui qui est allé nous préparer une place et qui reviendra nous prendre avec lui, afin que là où il est nous soyons aussi.…Amen.
Brive, le 21 mai 2020
Fr Henri Namur, ofm
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